Mobilité, fusion des corps

Publié le par olivier



  Mobilité, fusion des corps:
 les fonctions publiques dans la tourmente



Par Gérard Desportes

Créé 16/03/2008 - 16:52





La réforme de l’Etat et la réduction du nombre de fonctionnaires constituent la grande affaire d’ici à l’été, la plus ambitieuse en termes de réductions des déficits, la plus risquée aussi au plan social. Le chantier présidentiel par excellence jusqu'en 2012.

Pour indiquer que sa volonté de «dégraisser le mamouth» ne fléchira pas, Nicolas Sarkozy se plait à souligner que « seuls » 22 000 retraités n’ont pas été remplacés en 2007 alors qu’il en aurait fallu 37 000 pour tenir l’engagement de l’élection présidentielle d’un fonctionnaire sur deux non remplacé. Sont-ce les victoires aux élections municipales des deux ministres les plus exposés sur ce dossier et ce dès le premier tour, Eric Woerth à Chantilly, André Santini à Issy-les-Moulineaux? Ou la volonté du président de «sortir par le haut» après la séquence des municipales? Toujours est il qu’une équipe est à pied d’œuvre, avec Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée et qu’elle a l’intention de pousser les feux dés les prochains jours. Il ne va pas s'agir seulement de supprimer des emplois, c'est toute l'organisation qui est à revoir.

Première étape, ce 18 mars. Le Conseil supérieur de la fonction publique d’Etat donnera son avis sur un projet de loi qui devrait passer d’ici à juillet, «organisant les conditions d’exercice des fonctions, en position d’activité, dans les administrations de l’Etat», en clair la mobilité. Les décrets qui en permettent la mise en œuvre sont également au menu. La réorganisation des services, liée à la diminution des effectifs et à la mise en œuvre de la
RGPP , posera des problèmes auxquels la loi tentera de répondre.

Préparés par le ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, les intitulés des décrets donnent le ton de
ce qui se prépare . Les mots ont tout leur sens : «décret portant création d’une indemnité temporaire de mobilité» ; «décret instituant une indemnité de départ volontaire » ; « décret instituant un complément indemnitaire en faveur de certains fonctionnaires à l’occasion d’opérations de restructuration » ;

«décret instituant une prime de restructuration de service et une allocation d’aide à la mobilité du conjoint ». L’exposé des motifs du projet de loi explique clairement l’ambition du texte: « La mesure vise à lever les freins à la mobilité contenue dans les statuts particuliers », (…), « à favoriser les mobilités horizontales entre les trois fonctions publiques et au sein de chacune d’entre elles ». C’est à un véritablement alignement des conditions de service des trois fonctions publiques auquel s’attaque le gouvernement. Le même texte passera dans la foulée devant les conseils supérieur hospitalier (le 21 mars) et territorial.

Dorénavant, sans qu’il soit besoin de recourir à la voie du détachement ou la mise à disposition comme aujourd’hui, un fonctionnaire pourra rester dans son corps d’origine tout en exerçant dans une autre administration. Une véritable révolution. Aujourd’hui, seuls 5% des fonctionnaires passent d’un ministère à un autre.

«Chacun doit comprendre qu'il n'y a pas d'alternative»

Mais le texte va plus loin sans craindre d’explorer les hypothèses les plus précaires au sens social du terme. Ainsi l’article 7 stipule que « la réorientation est la situation dans laquelle un fonctionnaire privé d’affectation par suite d’une suppression ou d’une modification substantielle de son emploi bénéficie d’actions d’accompagnement organisées par son administration. » Et dans le cas où les « restructurations » obligeront à la souplesse, l’article 9 apporte une réponse qui existe déjà dans les hôpitaux: l’intérim ! « Le statut général de la fonction publique et le code du travail sont modifiés pour prévoir le recours à l’intérim par des organismes publics qui pourront dans ce cadre pourvoir rapidement des vacances temporaires d’emploi ou faire face à des besoins occasionnels, saisonniers ou à des surcroîts d’activité. »

Par ailleurs, le dispositif pousse la logique de la mobilité à son terme en invitant les agents à démissionner. L’indemnité de départ volontaire vers le privé pourrait aller jusqu’à 24 mois de rémunération. Une prime plafonnée à 15 000 euros sera proposée à ceux, mutés ou déplacés, agents titulaires et non titulaires, magistrats, qui devront bouger. Par ailleurs et afin de susciter des vocations, une indemnité temporaire de mobilité est prévue dans le cas d’une difficulté particulière de recrutement six mois après l’ouverture d’un poste (limitée à 10 000 euros).
« Nous sommes pour que les parcours professionnels dans la fonction publique soient facilités », commente Eric Fritsch, le patron des fonctionnaires CFDT. « On nous parle de restructurations, de départs volontaires, d’intérim, mais on ne nous dit rien de concret sur ce qui va arriver. Avec cette loi, le gouvernement fabrique l’outil qui lui permettra d’accompagner les suppressions d’effectifs et les mesures qui s’annoncent.».
L’avis consultatif sera « partagé » ce qui signifie que les vingt représentants syndicaux voteront sans doute contre, tandis que les vingt membres de la direction seront pour. Une réunion préparatoire du Conseil Supérieur a eu lieu le 7 mars dernier, c’est-à-dire trois jours avant le premier tour des municipales. Les syndicats ont demandé à Eric Woerth de retirer quatre des articles de la loi jugés par eux incompatibles avec leur mandat. En vain. « La concertation a eu lieu, nous avons entendu la demande des syndicats, notamment sur la réorientation, mais nous ne donnerons pas suite à leur demande», commentait avant le deuxième tour des municipales l’entourage du ministre. « Le choix est assumé et nous maintenons le texte en l’état dans un souci de cohérence.» On insiste au ministère sur la fluidité des carrières et l’intérêt pour les agents. On multiplie les gestes à l’adresse des syndicats réformistes. Un accord est intervenu jeudi soir, 14 mars, entre Eric Woerth et la Fédération FO sur des aménagements sonnants et trébuchants pour certaines catégories. Nicolas Sarkozy a reçu le patron de l’UNSA (l'Union nationale des syndicats autonomes) le même jour. N’empêche, la loi sur la mobilité - si elle s’adresse à ceux qui resteront fonctionnaires - prépare le terrain au redéploiement annoncé. Il n’y aura pas de bonne surprise. Comme vient de le redire le Président au Figaro : « Chacun doit comprendre qu'il n'y a pas d'alternative en France à la réduction des dépenses publiques. »

Demain les statuts


Fin Avril, le conseiller d’Etat Jean-Ludovic Silicani remettra son livre blanc sur « Les valeurs, les missions et les métiers du service public ». Un travail très attendu qui relaiera six mois de débats entre les représentants des personnels, des associations d’usagers et les contributions collectées sur un site internet et qui s’inscrira sans doute dans la perspective des pays qui ont opéré une profonde refonte de leur fonction publique. La présence de Franco Bassani, le ministre de la Fonction publique du gouvernement Berlusconi, comme membre du comité qui a animé ce travail, n’est pas fortuit .

« Nous voulons sortir d’un débat technique sur la fonction publique, entre syndicats et gouvernement, cristallisé sur la valeur du point d’indice, et lancer un vaste débat public, politique au sens noble du terme, impliquant tout le pays, sur la place et les contours du service public de demain », indiquait André Santini à l’installation de cette commission. Sur ce qui fuite de ce livre blanc, des propositions concrètes qui en résulteront, la tendance est à la mobilité ( encore), à la réforme des concours ( afin de ne plus lier la promotion aux fameux concours internes), à la « performance » mais surtout à la refonte du millier de statuts qui composent aujourd’hui la les trois fonctionnaires en quatre à sept filières et une centaine de métiers. Ici où là, le travail est en cours. L’idée de Jean-Ludovic Silicani étant de privilégier les fonctions contre les missions et d’en ramener le nombre à une centaine. Cette idée, bien présentée, peut rassembler une majorité de syndicats et de fonctionnaires. Un baromètre IPSOS tous les trois mois jaugent l’état de la troupe. Tout le monde comprend qu’avec 320 000 départs à la retraite entre 2009-2012, donc en principe 160 000 postes en moins, l’organisation du travail en sera chamboulée.
« Chez Woerth et Santini, on nous a déjà prévenu que nous aurons une négociation à l’automne 2008 sur nos statuts » raconte Eric Fritsch qui a participé aux travaux du livre blanc, « Nous ne sommes pas contre une refonte des corps de l’administration en un certain nombre de métiers, mais nous sommes contre la destruction du service public. Avec le projet sur la mobilité, on voit bien que les nuages s’amoncellent au-dessus de nos têtes sans que le gouvernement nous dise clairement ce qu’il veut pour 2012. Nous risquons un second séisme à l’automne. Dans ce cas, il y aurait un détournement de notre aspiration au changement et ce serait inadmissible. » Le son de cloche est à peu prés le même à l’UNSA. Ces syndicats qui ont signé l’accord salarial le 21 février dernier voient d’un très mauvais œil l’accumulation de toutes ces menaces. D’autant que la principale, connue sous le vocable de RGPP, devrait se concrétiser avant la publication du livre blanc. RGPP, pour Révision Générale des Politiques Publiques.

L'importance de ce qui se prépare avec la Révision Générale des Politiques Publiques ( RGPP) apparait beaucoup plus facilement quand on se pose la question des outils de la réforme. Comment ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux, on voit - à peu près- comment faire. C'est facile, il suffit de savoir compter. Comment faire marcher la machine avec 30 ou 40 OOO personnes de moins chaque année constitue en revanche une toute autre paire de manche.

Notamment, il faut instaurer une plus grande mobilité entre les trois fonctions publiques pour dispatcher, conforter, boucher les manques,.... D'où cette réunion du CSFP du 18 mars comme point de départ de ce qui va suivre.

Et l'on se dit alors- quand on voit l'enchaînement des évènements- lancement du chantier RGPP, instauration de la mobilité, transformation des corps en métiers - que la logique de ce processus conduit à une modification en profondeur de la fonction publique. Le volet budgétaire pour 2009 qui se discute en ce moment dans les services viendra boucler l'ensemble.


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